Comment
connaissons-nous Jésus?
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Qu'on
ne sache avec précision ni l'année de sa naissance
ni celle de sa mort, qu'on identifie mal sa bourgade
originelle, qu'on dispute s'il a eut des frères
ou des cousins, tout cela et le reste est secondaire;
Jésus est de l'histoire. A considérer le nombre
et la convergence des documents qui le concernent,
l'abondance des manuscrits qui nous ont transmis
son évangile, il n'est aucun personnage de son temps
sur lequel nous soyons aussi bien renseignés. Le
cadre ou à vécu Jésus est éminemment historique,
non comme font les traditions touchant Orphée, Osiris
ou Mithra. L'empire romain du 1er siècle nous est
connu avec une précision remarquable. De grands
écrivains dont nous possédons l'oeuvre ont produit,
alors que jésus était vivant: Tite-Live, Virgile,
Plutarque, Tacite. Un très grand nombre de personnages
que mettent en scène les récits concernant Jésus
sont éclairés par d'autres documents d'histoire,
ceux par exemple que cite saint Luc au chapitre
III de son évangile: Tibère, César, Ponce Pilate,
Hérode Philippe, les grands prètres Anne et Caiphe,
et Jean le Baptiste, dont Flavius Josèphe a rapporté
l'apostolat et la mort. Et ce n'est pas tout; les
moeurs, les habitutes, tout cet ensemble de comportements
sont exactements semblables à celle que nous pouvons
observer en étudiant ses contemporains palestiniens.
Au cours de l'année 112, Pline le jeune, homme de
lettres considérable, gardant soigneusement copie
des rapports, adressa à son empereur Trajan, une
lettre détaillée à propos des chrétiens. Il a reçu
des dénonciations, il a fait arréter des membres
de la secte, poussés jusqu'à la torture ( en particulier
deux "diaconesses"), mais l'enquête
n'a rien révélé de coupable. Ces gens se réunissaient,
chantaient des hymnes au Christ et s'engageaient
par serment à n'être ni voleurs ni menteurs, ni
adultères. Mais les prêtres des dieux se plaignaient,
les temples étaient déserté. Le christianisme existait
déjà solidement sur le sol d'Asie Mineure et les
Chrétiens d'alors, savaient tous qu'ils descendaient
du Christ et qu'ils le tenaient pour Dieu. En 125,
un rescrit de l'empereur Adrien adressé au proconsul
d'Asie, Minicius Fandanus confirmera le témoignage
de Pline. Tacite, historien latin, sans doute le
plus solide, qui écrit ses Annales vers 116,
parlera des Chrétiens à propos de l'incendie de
Rome, en 64:"Une rumeur flétrissante attribuait
à Néron l'ordre de mettre le feu.Pour y couper court,
il supposa des coupables et livra aux tortures les
plus raffinées ces hommes détestés pour leurs forfaits
que le peuple appelait Chrétiens. ce nom leur vient
du Christ qui, sous le règne de Tibère, fut condamné
au supplice par le procurateur Ponce Pilate.....".
Il raconte ensuite les horribles tortures infligées
aux Chrétiens. Tacite utilise souvent les Histoires
de Pline l'Ancien, le philosophe, et qui avait fait
partie de l'état-major de Titus lors de la guerre
des Juifs en 70. Un autre historien, Suetone, nomme
à deux reprises les Chrétiens dans ses Vies des
Douze Césars, ainsi que les persécutions de
Néron. L'enseignement chrétien était rigoureusement
oral vu le milieu social ou vivait Jésus. La mémoire
chez les Israélites comme chez les Arabes, n'avait
rien de commun avec la notre, si appauvrie. Les
disciples d'un maître l'écoutaient et retenaient
ses paroles "par coeur", grace à un entraînement
spécial qu'on imposait à l'enfant dès ses premières
études. L'enseignement du Christ était donc conservé
par ce moyen qui était coutumier aux Juifs. C'est
aux contact des Grecs et des Romains, que les disciples
éprouvèrent le désir de fixer par écrit leur enseignement
prononcés par Jésus. Les découvertes archéologiques
ont souvent confirmé de façon frappantre le texte
évangélique. En avait-elle provoqué des commentaires,
cette"piscine aux cinq galeries" dont
parle saint Jean(V,2), ou Jésus guérit un paralytique!
Des fouilles montrèrent qu'il s'agissait d'une piscine
rectangulaire flanquée de galeries sur les quatres
cotés, mais qu'un cinquième portique traverse par
le milieu, la divisant en deux bassins. De même
la découverte récente, sous les fondations du couvent
de Notre-Dame de Sion, des dalles mêmes de ce Lithostrotos
(Jean,XIX,13), ce tribunal en plein air ou Pilate
fit amener Jésus, a localisé avec une précision
parfaite, la scène du jugement: on a même put y
voir, gravé dans la pierre, le dessin d'une sorte
de jeu de l'Oie, le "jeu du Roi" qui a
bien put donner aux soldats l'idée cruelle du couronnement
d'épines.
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Une
voix crie dans le desert
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.Malachie,
celui qui termine l'Ancien testament, avait affirmé
au nom de Dieu:"Je vais envoyer mon messager
et il preparera le chemin devant moi. Alors surgira
dans son Temple le maitre de Votre Quete, l'Ange
tant désiré....". Ce messager se nommait jean-Yahohanan,
prénom fort répandu dans la Judée d'alors et qui
signifiait:" Yahweh fut favorable". On
le surnommait "Le Baptiste" à cause
du rite dont il se faisait le protagoniste. Retiré
au desert depuis son adolescense, alors agé d'une
trentaine d'année, il commença à enseigner la parole
de Dieu. Poussé par l'Esprit, ce qu'il dit, c'est
le mot "Pénitence". Il annonce des catastrophes
épouvantables; il ne respecte rien, ni usages, ni
situations. Meme au tétraque Hérode Antipas, adultère
avec sa belle-soeur, il reproche à haute voix son
péché. Il avait, nous disent les évangiles, un vêtement
en poil de chameau et autour des reins, une ceinture
de cuir; et il se nourrissait de sauterelles et
de miel sauvage. Le miel, produit d'abeille non
domestiques ou suc de certains arbres, abondait
dans la vallée du Jourdain; l'ancien testament le
mentionne plusieurs fois. Les sauterelles n'étaient
pas un mets plus excentrique que ne le sont les grenouilles
et les escargots, qu'on déguste en France et qui
dégoûte les Anglais. Dès que le bruit de l'étrange
prédication se fut répandu dans Jérusalem, les chefs
de la nation, les "Princes des Prêtres",
comme on disait, envoyèrent-ils une commission officielle
d'enquête. Des prêtres et des Lévites en étaient
membres. A la première question qu'on lui posa,
Jean répondit avec sa franchise coutumière:"
Êtes-vous le Messie?--Non, je ne le suis pas."
Puisque Malachie avait prédit que le Messie sera
précédé d'un Annonciateur, du moins Jean était-il
ce héraut, le nouvel Elie promis."Es-tu Elie?-Non".
Il avait en lui la puissance, mais il n'était
pas l'ancien prophète."Qui es-tu donc?".
"Je suis la Voix qui crie dans le désert: aplanissez
le chemin du Seigneur. Ainsi la prédit Isaie."(Jean,I,
23) Lorsqu'il criait la nécessité de la pénitence,
le besoin d'obtenir" de dignes fruits de repentir",
qu'il imposait à ses disciples "force, jeunes
et prières"(Luc, V ,33), il était bien dans
la tradition prophétique. Il enseignait encore la
charité, la justice, la douceur. A ceux qui lui
demandaient: "Que faut-il faire?" il répondait:
"Que celui qui a deux tuniques en donne une
à celui qui n'en a point, et que celui qui a de
quoi manger fasse de même." Aux collecteurs
d'impots, il ordonnait:"N'exigez rien au delà
de ce qui est légal". Au gens de guerre:"Abstenez-vous
de toute violence;ne volz pas; contentez-vous de
votre solde". Et les conseils étaient aussi
dans la tradition juive. Mais pas une seule fois
il n'avait annoncé que ce Messie dont il se disait
le héraut dut rétablir Israël dans sa gloire et
sa force. Pis encore, il ne reservait même pas son
enseignement aux Hébreux de bonne race, aux honnêtes
gens qui avaient médité la loi, mais on voyait autour
de lui des publicains,des soldats,des païens peut-être.
Et puis, il baptisait. Ceux qui voulaient s'engager
à suivre désormais la voie qu'il leur désignait
devaient entrer dans l'eau, d'abord au gué du Jourdain,
puis, plus tard, quand la saison fut devenue chaude,
plus haut, dans le pays de Scythopolis, ou il y
avait de belles fontaines dites "Sources de
la paix". Ce rite, si ancien que les Rabbis
discutaient pour savoir si une sorte de baptême,
qui marquait l'initiation des "prosélytes"
païens aux communautés juives, datait d'avant ou
d'après l'exil. Des ablutions de ce genre, on en
connaissait maintes qui étaient de règle, selon
le Lévitique et les Nombres; à certains
jours, surtout pour les fonctionnaires du Temple,
le bain rituel, le mikweh se multipliait
à l'instar des bénédictions, et, pour la fete de
Kippour, de l'Expiation, le grand
prêtre devait en prendre dix, plus solennels, au
nom du peuple. Les sectes esséniennes avaient un
bain quotidien et l'on voit encore, aujourd'hui,
sur les bords du Jourdain, des fidèles d'anciens
cultes qui pratiquent le vieux rite, chaque jours,
dans le fleuve. C'est par immersion que Jean accomplissait
le rite, et à partir du XIVe siècle de notre ère,
que l'art montrera Jean versant de l'eau sur le
front de Jésus avec un vase ou une coquille. Dans
l'enseignement de Jean, le baptême était lié à une
transformation morale complète; entrer dans l'eau,
c'est à dire que l'on veut faire pénitence, que
l'on se
repent de ses péchés. Il n'était admisnitré qu'une
fois, comme une initiation à une vie entièrement
nouvelle.
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Le
baptême de Jésus
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Les
quatre évangiles s'accordent pour placer au moment
du baptême le début du ministère de Jésus. dans
la foule qui se presse pour écouter Jean le Baptiste,
un homme est caché auquel nul ne fait attention.
Pourquoi le distinguerait-on des autres? sa taille,
son visage n'ont rien que d'ordinaire. "simple
Israelite", comme on dit, il n'est ni Sanhédrite,
ni prêtre, ni même Lévite. Il porte selon la loi,
une tunique de lin à manches longues et un grand
manteau de laine orné de houppettes: ainsi le Deutéronome
l'ordonna.Sa tête se coiffe du "couffieh",
l'étoffe à pans qu'on voit encore aux gens de Palestine.
Un, donc, parmi des milliers. Son nom est la banalité
même: Jeshouah. Fort répendu dans la langue hébraique,
il dérive du mot sacré dont on désigne Dieu, et
qu'on à remis en honneur depuis le retour de l'exil.
Il y en a des quantités; Flavius Josèphe en citera
une douzaine; des paysans, des chefs, des rebelles,
des prêtres. On voit, sans doute, qu'il est menuiser-charpentier;
les teinturiers, portaient un chiffon de couleur
et les scribes publics une plume. A son language,
on le repère Galiléen. Mais il y a certainement
beaucoup d'artisan en bois parmi les auditeurs qui
entourent le Baptiste, car il s'agit d'un métier
répendu, et ce n'est pas le premier pèlerin qui
arrive, au prix de quatre ou cinq journée de marche.
Pourtant, lorsque Jésus s'approche, ce rite qu'il
impose à tous, jean sait qu'il ne convient point à
cet homme-là (Matt. III,14,15). Plus tard,sur l'évènement,
Jean rendra témoignage. Il s'est exécuté; il a procédé
au baptême de Jésus. Et alors, il a vu l'Esprit
descendre du ciel en forme de colombe et se poser
sur celui qui venait de sortir du fleuve. Il a su
ainsi que venait de se réaliser une annonce
que Dieu jadis lui avait faite; lui le Baptiseur
par l'eau, il a compris que le Baptiseur par l'Esprit-Saint
venait d'apparaître. Entré dans l'eau ondulante
jusqu'à mi-corps, Jésus médite profondement. Jean
officie d'un geste solennel. Des anges s'inclinent,
cependant que, image de la Création stupéfaite devant
ce prodige, le génie du fleuve, caché dans les flots,
esquisse un geste d'étonnement. C'est avec cette
pureté, qu'il faut se representer la scène. Cependant,
en baptisant Jésus, Jean n'avait pas tout accompli
ce dont il était chargé. Le lendemain, rapporte
le quatrième évangile, le voyant venir à lui, le
prophète s'écria:"Voici l'Agneau de Dieu, voici
celui qui ote les péchés du monde!"(I,29).
Le seul mot d'agneau éveillait, dans l'esprit de
tout juifs, l'image de la victime expiatoire, de
l'humble bête qui, depuis l'exil en Égypte et depuis
Moise, rachetait Israël par son sang.
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La
route de bethléem
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Environ
trente ans avant que le Baptiste apparût sur le
jourdain, un recensement avait eu lieu en palestine.
Rome exigeait dans ses provinces, l'inscription,
au registre officiel, du nom, de la profession,
de la fortune de tous les habitants. En palestine,
le recensement entraînait une complication; on n'
était pas inscrit au lieu de sa résidence, mais
au pays d'où était originaire la famille dont on
descendait. Donc, un édit de César Auguste pour
le recensement ayant été publié, chacun partit se
faire inscrire en son lieu d'origine. Joseph quitta
nazareth, en Galilée, et monta en Judée, à la ville
de David qui se nomme Bethléem, car il était de
la progéniture de David. Et Marie, son épouse, l'accompagnait;
elle était enceinte. C'étaient de pauvres gens,
un homme et une femme de la plèbre laborieuse, plus
riches de courage que de drachmes. Quand leur enfant
naîtra, pour acquitter l'offrande d'obligation au
Temple, ils devront se contenter d'une paire de
tourterelles; l'achat d'un agneau eût dépassé leur
moyens. Joseph, très vieux nom d'Israël, celui que
portait les très vieux fils de Jacob était un ouvrier,
un charpentier. Son épouse, très certainement beaucoup
plus jeune que lui, car l'usage était de marier
les filles à peine nubiles, alors que les hommes
attendaient leur vingt-cinquième année, parfois
d'avantage: une petite juive de quatorze ans. Marie,
nom aussi répendu dans la Palestine (la sœur de
Moïse le portait) avec le sens "Aimée de
Yahweh", soumise à son mari et semblable
à ces jeunes mères qu'on rencontre encore aujourd'hui
en Terre Sainte, un bébé chevauchant leur épaule
ou leur flanc? Joseph et Marie étaient -semble-t-il-
l'un et l'autre de la postérité de David. Pour Joseph,
Matthieu et Luc, l'affirment expressement; c'est
que la chose était d'importance puisqu'il était
de notoriété que le Messie serait de la race du
grand roi, "rameau sorti du trone de Jessé,
rejeton crû de ces racines" comme dit Isaïe.
Quand à Marie, son appartenance à la progéniture
de David est traditionnelle: saint Paul semble l'affirmer
(Rom. I;3) Ils se dirigent donc vers Bethléem: l'écriture
attribuait cette ville comme lieu de naissance au
grand roi (I samuel, XX,6). La distance est longue,
de Nazareth à Bethléem; près de cent cinquante kilomètres
et les routes étaient médiocres, car Rome n'avait
pas encore eu le temps de refaire selon sa technique.
Au pas de l'âne, monture traditionnelle que les
plus gueux possédaient encore, il fallait quatre
jours pleins. Après tant de rocailles et de solitudes,
où seuls des arbustes, quelques touffes d'anémones
pourpres et de cyclamens rappellent encore la vie,
ont arrivaient à cette petite ville blanche, installée
à près de 800 mètres d'altitude, sur les flancs
de deux collines jumelles.
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A
quelle date naquit Jésus?
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Si
la naissance de Jésus sert aujourd' hui de point
de départ à notre ère, nous le devons à un moine
scythe, Denys le Petit, Dyonisius Exigus, qui vivait
à Rome au VIe siècle. S'appuyant
sur le texte où saint Luc (III, 1, 2) établit le moment de ia prédication du
Baptiste en fournissait six coïncidences, Denys raisonna ainsi : Jean a commencé à prêcher en 15 de
Tibère; le ministère de Jésus débuta l'an d'après: Or,
saint Luc (III, 23) nous apprend que Jésus, " lors de son baptême, était âgé d'
environ trente ans ". Un
simple calcul, en reculant de trente ans par rapport au 15 de Tibère, lui
donna l'an 754 de l'ère romaine (754e année de la fondation légendaire de la ville):
c'est
ce chiffre qui fut adopté: L'excellent moine,
n'ayant aucun moyen de fixer la date de la mort
d'Hérode, ni celle du recensement, ,admit que ces deux évènements étaient antérieurs
à 754 et s'en tint là. Il faut vraisemblablement admettre que la "quinzième
année"de Tibère se situe non par rapport à
la mort d'Auguste, mais par rapport à l'assiociation
au trone de son héritier. En outre, la formule « environ trente ans » ne donne pas une indication
très précise sur l'âge du Christ, surtout si l'on songe que la trentaine étant
requise par la coutume juive pour
entrer dans la vie publique, l'évangéliste a très bien pu
vouloir marquer seulement qu'il avait l'âge légale. Si l'on admet que le
baptême eut lieu en janvier 28, Jésus, < âgé d'environ
trente ans », était donc né au moins deux ou trois ans
avant l'an I de notre ère. Mais
sans doute, beaucoup plus. On trouve dans l'Évangile, d'autres
renseignements chronologiques. Jésus, selon saint Matthieu (II, 1) naît « aux
jours ,du roi Hérode », ce qui confirme saint Luc à
propos du Baptiste (I;, 5) et de l'annonce faite à Marie
(I, 26), et ce que saint Matthieu lui-même redit d'autre
façon à propos de la visite des Mages (II, 3) et de la
fuite en Egypté (II, 19, 22 ). Or, nous savons par
Josèphe qu'Hérode mourut en l'an 4 avant notre ère;
cette date est même contrôlée par une éclipse de lune;
dont l'historien juif nous dit qu'elle suivit de peu la
mort du potentat, et que l'astronomie place au 12 mars
an 4 avant J-C. Comme on sait aussi qu'Hérode passa les derniers mois de son existence
aux bains de
Callirhoë, puis à Jéricho, et comme les Mages l'ont
trouvé à Jérusalem, c'est donc au moins à 5 avant J-C.
qu'il faut reporter leur visite et, vraisemblablement à
6 la naissance de Jésus. Une
autre donnée chronologique figure dans saint
Luc (II, l, 2); elle vise le recensement qui obligea
Joseph et Marie à gagner Bethléem. Ce recensement que
l'Évangile place " sous le gouvernement de Quirinius,
en Syrie " a provoqué de nombreuses discussions.
L'histoire connaît parfaitement ce Publius Sulpicius
Quirinius, sénateur, ancien consul, ancien combattant
d'Afrique, qui fut, en effet, légat impérial en Syrie;
c'est le même qui, chargé de surveiller Tibère, alors en
exil plus ou moins volontaire à Rhodes, s'entendit si
bien avec lui que le futur empereur devint son ami, le
même encore dont Tacite narre le procès scandaleux
qu'il soutint contre Emilia Lepida, sa femme, qu'il avait répudiée.
Malheureusement, aucun auteur profane ne rapporte ce recensement général " de la terre
entière ": Cela n'a peut-être rien de surprenant; car
Dion Gassius, le seul biographe qui ait écrit d'Auguste une
vie détaillée, ne nous est parvenu, pour cette
période, que sous la forme de fragments, que Tacite
commence ses Annales au règne de Tibère, que Suétone et Josèphe ne sont pas complets. La célèbre inscription d'Auguste à Ancyre (Ankara) mentionne trois recensements ordonnés par
lui: l'un en 726 (28 av. J. C), l'autre en 746 (8 av, J. C.), le trosième en 767
(14 après). Ces recensements concernaient-ils tous les
habitants de l'Empire ou seulement les citoyens romains? On en discute. Et, s'il s'agit du second recensement, il faut alors poser la question de Quirinius:
a-t-il
pu procéder au recensement de - 8? Nous savons de lui deux choses sûres : qu'if fut deux fois légat en Syrie (une
inscription le prouve au musée du Latran ) et que l'une de ses légations eut
lieu à partir
du 6 après J.-C: Reste à savoir si l'autre fut antérieure,
si, par exemple, on' peut `la placée dans la période qui
va de 4 av. J-C. à 1 après J: C, moment où la liste des
légats en Syrie, que nous possédons, a une interruption: Mais 4 avant J-C., ce n'est .pas 8; il faut donc
admettre un autre recensemenf que celui qui figure
sur le marbre d'Ancyre, un recensement que Quirinius
aurait ordonné spécialemént pour ses administrés. cela
n'a rien d'invraisenblable, car L'administration
romaine aimait les choses précises et se faisait violontiers paperassière. Ce
recensement serait dit " le premier " par l'évangéliste pour le distingue d'un autre
"qui aurait eu lieu dix ans après la mort d'Hérode et
dont nous parlent les Actes des Apôtres et Josèphe. On
peut dire donc que Jésus ést né entre - 8 et - 4,
vraisemblablement en - 6. Cette incertitude n'a d'ailleurs, pour ce qui concerne sa vie, qu'une importance
fort minime dès l'instant que l'on admet que le texte
de saint Luc, a environ trente ans (III, 23 ) , doit être
entendu dans un sens large. Quant
au jour même de la naissance, que toute la
terre, aujourd'hui, fixe au 25 décembre elle résulte d'une simple tradition. Au
IIIe.siècle, Clément d'Alexandrie tenait pour le 19 avril; on proposait aussi !e
29 mai, le 28 mars; en Orient, pendant longtemps, on
admit le 6 janvier; c'est seulement vers 350 que notre date traditionnelle parut
le mieux établie. Certains ont pensé qu'elle pouvait
avoir quelque rapport avec le dieu Mithra, ou du
"Soleil invincible", placée en concordance
avec le solstice d'hiver, suivant le calandrier
Romain. On connaît bien des cas où la lithurgie
chrétienne a utilisé, dans ses perspectives, d'anciennes
fêtes païennes. Le pape Grégoire le Grand ne conseillait-il
pas aux missionnaires qu'ils envoyait chez les Bretons
de "baptiser les usages et les lieux vénérés
par les idolatres? Nos feux de la saint Jean, notre
Toussaint ont des origines analogues. Consacrée
par la commémoration de la naissance divine, la
date du 25 décembre n'évoquera plus le dieu iranien,
le taureau immolé, ni même le soleil reprenant forces
sur les puissances de la nuit, mais cette autre
astre dont Malachie avait dit:" Sur vous qui
craignez mon nom se lèvera le soleil de justice.
( IV,2)
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Présage
de douleur et de gloire
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Quand
l'enfant Jésus eut huit jours, délai de règle,
on procédà à sa circoncision, selon la vieille coutume
des ancêtres, que, depuis Abraham;Israël tenait pour
le gage de son alliance avec Dieu. La circoncision
de Jean-Baptiste, avait donné lieu à une cérémonie familiale, au cours de laquelle la gloire de Dieu
avait éclaté sur Zacharie, son père. Pour Jésus, fils de
voyageurs de passage, on
lui donna son nom, celui que l'ange avait désigné, et
!a petite opération fut faite, pour obéir à la Loi. Ce
n'était pas là qu'une des obligations légales que
la naissance d'un fils, et spécialement d'un premier-né,
imposaient à des parents. « Tout mâle premier-né
me serra consacré > (Exode, XIII; 2, 13), avait ordonne
Yahweh; en souvenir de cette grâce qu'il avait accordée, la nuit où, frappant à mort les enfants d'Egypte,
il avait épargné ceux d'Israël. On rachetait le garçon
par une offrande de cinq sicles (environ quinze francs
or) et, bien que le texte saint ne l'exigeât point formelement, l'usage était de le présenter au Seigneur.
D'autre
part, les préceptes mosaïques imposaïques imposaient
aux femmes qui venaient d'accoucher d'aller au Temple accomplir une purification: Pendant quarante jours
si elle avait enfanté un fils, quatre-vingts si c'était une fille;
elle demeurait impure. Elle devait encore offrir
un sacrifice :selon ses moyens, un agneau de l'année
ou un couple de tourterelles ou de colombes (Lévitique, XII). Pour
remplir ces deux obligations, Marie et Joseph se rendirent donc à Jérusalem, et
ce fut l'occasion d'un
autre signe d'une importance singulière. Un vieillard
de la ville, homme juste et craignant Dieu, averti par
l'Esprit-saint, vint au temple au moment où l'humble
couple, y apportait son enfant.
Il se nommait Siméon; Dieu lui avait promis qu'il ne mourrait point avant
d'avoir vu; de ses yeux de chair, le Messie que son âme espérait. Dans le
nourrisson de Marie,
la connaissance prophétique Lui désigne l'oint
du Seigneur et, le saisissant dans ses bras, il laisse
jaillir sa joie en un cantique, ce Nunc dimittis que la liturgie catholique
répète à l'heure
du sommeil et de la mort: «
Maintenant, Seigneur, laissez partir votre serviteur en paix selon la parole, puisque mes yeux ont vu Votre Salut; ce que vous
avez préparé à la face des nations, la Lumière qui dissipera les ténèbres des peuples
, la gloire des enfants d'lsraël > (Luc, II, 29; 33). Mais
il avait a peine achevé de remercier Dieu que
l'esprit de prophétie lui souffla d'autres mots. Il dit,
s'adressant à Marie : « Cet enfant vient au monde pour la chute et la
résurrection d'un grand nombre en
Israël : il sera un signe de contradiction. Vous-même, un glaive percera votre
âme. Ce qui se cache au fond
des coeurs ainsi sera révélé. > (luc, II, 34, 35 ) . Singulières paroles pour cette mère qu'emplissait la joie de
la naissance et qui portait en elle la certitude des promesses d'En-Haut! Et,
comme pour confirmer.les dires de Siméon; voici qu'une vieille femme, elle aussi
douée de l'esprit de prophétie, Anne, fille de Phanuel, survient et à son tour
reconnaît dans l'enfant le signe de la rédemption.
Les
deux évangiles de l'enfance de Jésus ici se complètent de manière surprenante. Seul, saint Luc nous
rapporte la scène de la Présentation au Temple et, dans
les paroles de Siméon, le présage du Christ douloureux. Seul, saint Matthieu fait état d'un autre épisode
où éclate au contraire la gloire du Très-Haut, le Roi
des Cïeux.<
Des mages arrivèrent d'Orient à Jérusalem. - Où
est, disaient-ils, le roi des Juifs, qui vient de naître? Car nous avoirs vu son étoile en Orient et nous sommes
venus l'adorer. » Ayant alors appris que, selon l'Ecriture, Bethléem devait être le
lieu de naissance de ce
prédestiné, ils s e mirent en route vers elle. « Et voici;
que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient, allait devant
eux; jusqu'à ce que, au-dessus du lieu où se trouvait
l'enfant, elle s'arrêtât.` » Marie et Joseph, revenus de
Jérusalem, habitaient alors non plus la grotte, mais
une maison de la bourgade. « Les Mages trouvèrent
l'Enfant avec Marie, sa mère et se prosternant, ils
l'adorèrent puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent
de l'or, de l'encens et de la myrrhe » (Matt: II, 1, 12) La
scène pittoresque où les trois fastueux voyageurs
d'Orient viennent s'incliner devant le berceau d'un
pauvre nourrisson est une de celles qui, de tout l'évangile de la Nativité, ont le plus frappé les imaginations.
Son sens symbolique a été bien souvent mis én évidence par les mystiques: les puissances de la terre reconnaissent, prosternées, l'autorité suprêmé de l'Enfant-Dieu; et les trois offrandes des Mages ont valeur
de signes : l'or comme à un roi, l'encens comme à un Dieu, la myrrhe comme
à un
homme promis à la mort. Beaucoup
des détails que l'art a retenus ne doivent rien
à l'évangile selon saint Matthieu, mais procèdent
non pas même des apocryphes, qui, sur ce point, se sont montrés
particulièrement discrets, mais de sources inconnues, d'origine orientale. La légende qui s'est
formée autour des Mages a proliféré au long des siècles au point de créer, par exemple en
Provence, une véritable tradition folklorique. Les Mages sont les descendants du grand devin Balaam. Les
pièces d'or qu'ils ont apportées à Jésus, c'est Terah, le père d'Abraham, qui
les avait frappées et elles avaient
été données aux gens du pays de Saba par Joseph, fils de Jacob, lorsqu'il alla
, chez eux acheter des parfums
pour embaumer le corps de son père. On fixe le nombre des visiteurs à trois,
soit pour leur faire incarner
les trois âges de la vie, soit comme représentant l'un
la race sémite, le second, tout le reste des Blancs et le
dernier, les Nègres. On leur donna des noms : Gaspard, Melchior, Balthazar; écrits sur un ruban que l'on porte
au poignet, ces noms préservent de, lépilepsie. Partout dans toute la
chrétienté, ces thèmes légendaires se retrouvent, comme aux bas-reliefs de la cathédrale d'Amiens, à Saint-Trophime
d'Arles, sur des vitraux
de Lyon, du Mans; au tympan nord de Chartres, on les
voit couchés sous une même couverture, sans doute
selon un détail de la fable que nous ignorons.
Qui étaient ces Mages venus de l'Orient?
Depuis les débuts du III° siècle où il semble que
Tertullien ait établi cette tradition, on les appelle souvent < Rois Mages », sans doute parce que le Psaume LXXI dit : < Les rois de Tarsis et ceux des îles paieront tribut; les rois d'Arabie et de Saba offriront des Présents ».
Originellement, les Mages étaient les prêtres de la religion mazdéenne, telle
que la pratiquaient les anciens Mèdes et Perses . Constitués en caste
très fermée - en une véritable tribu, selon Hérodote ils
passaient pour mener une vie austère, entretenant le feu des Hauts Lieux, étudiant le cours des astres et les songes. IIs étaient fort puissants; c'était, un
Mage
qui avait essayé de prendre le pouvoir impérial
en Perse, pendant que Cambyse guerroyait en Egypte,
en affirmant qu'il était Smerdis, le frere de l'empereur
ressuscité: Mais rien ne semble prouver qu'à l'époque
de la naissance du Christ, c'est à-dire sous la domination des Parthes, les Mages aient eu encore un rôle de
premier plan: Le mot semble plutôt désigner alors des
hommes de toutes sortes qui s'appliquaient à l'étude
des astres, astronomes et astrologues tout ensemble, parmi lesquels il y avait
du bon et du mauvais, des
gens sérieux et des charlatans. Les Mages de l'Écriture appartenaient, de toute évidence, à ce qu'il y
avait de mieux.
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