Comment connaissons-nous Jésus?

 Qu'on ne sache avec précision ni l'année de sa naissance ni celle de sa mort, qu'on identifie mal sa bourgade originelle, qu'on dispute s'il a eut des frères ou des cousins, tout cela et le reste est secondaire; Jésus est de l'histoire. A considérer le nombre et la convergence des documents qui le concernent, l'abondance des manuscrits qui nous ont transmis son évangile, il n'est aucun personnage de son temps sur lequel nous soyons aussi bien renseignés. Le cadre ou à vécu Jésus est éminemment historique, non comme font les traditions touchant Orphée, Osiris ou Mithra. L'empire romain du 1er siècle nous est connu avec une précision remarquable. De grands écrivains dont nous possédons l'oeuvre ont produit, alors que jésus était vivant: Tite-Live, Virgile, Plutarque, Tacite. Un très grand nombre de personnages que mettent en scène les récits concernant Jésus sont éclairés par d'autres documents d'histoire, ceux par exemple que cite saint Luc au chapitre III de son évangile: Tibère, César, Ponce Pilate, Hérode Philippe, les grands prètres Anne et Caiphe, et Jean le Baptiste, dont Flavius Josèphe a rapporté l'apostolat et la mort. Et ce n'est pas tout; les moeurs, les habitutes, tout cet ensemble de comportements sont exactements semblables à celle que nous pouvons observer en étudiant ses contemporains palestiniens. Au cours de l'année 112, Pline le jeune, homme de lettres considérable, gardant soigneusement copie des rapports, adressa à son empereur Trajan, une lettre détaillée à propos des chrétiens. Il a reçu des dénonciations, il a fait arréter des membres de la secte, poussés jusqu'à la torture ( en particulier deux "diaconesses"), mais  l'enquête n'a rien révélé de coupable. Ces gens se réunissaient, chantaient des hymnes au Christ et s'engageaient par serment à n'être ni voleurs ni menteurs, ni adultères. Mais les prêtres des dieux se plaignaient, les temples étaient déserté. Le christianisme existait déjà solidement sur le sol d'Asie Mineure et les Chrétiens d'alors, savaient tous qu'ils descendaient du Christ et qu'ils le tenaient pour Dieu. En 125, un rescrit de l'empereur Adrien adressé au proconsul d'Asie, Minicius Fandanus confirmera le témoignage de Pline. Tacite, historien latin, sans doute le plus solide, qui écrit ses Annales vers 116, parlera des Chrétiens à propos de l'incendie de Rome, en 64:"Une rumeur flétrissante attribuait à Néron l'ordre de mettre le feu.Pour y couper court, il supposa des coupables et livra aux tortures les plus raffinées ces hommes détestés pour leurs forfaits que le peuple appelait Chrétiens. ce nom leur vient du Christ qui, sous le règne de Tibère, fut condamné au supplice par le procurateur Ponce Pilate.....". Il raconte ensuite les horribles tortures infligées aux Chrétiens. Tacite utilise souvent les Histoires de Pline l'Ancien, le philosophe, et qui avait fait partie de l'état-major de Titus lors de la guerre des Juifs en 70. Un autre historien, Suetone, nomme à deux reprises les Chrétiens dans ses Vies des Douze Césars, ainsi que les persécutions de Néron. L'enseignement chrétien était rigoureusement oral vu le milieu social ou vivait Jésus. La mémoire chez les Israélites comme chez les Arabes, n'avait rien de commun avec la notre, si appauvrie. Les disciples d'un maître l'écoutaient et retenaient ses paroles "par coeur", grace à un entraînement spécial qu'on imposait à l'enfant dès ses premières études. L'enseignement du Christ était donc conservé par ce moyen qui était coutumier aux Juifs. C'est aux contact des Grecs et des Romains, que les disciples éprouvèrent le désir de fixer par écrit leur enseignement prononcés par Jésus. Les découvertes archéologiques ont souvent confirmé de façon frappantre le texte évangélique. En avait-elle provoqué des commentaires, cette"piscine aux cinq galeries" dont parle saint Jean(V,2), ou Jésus guérit un paralytique! Des fouilles montrèrent qu'il s'agissait d'une piscine rectangulaire flanquée de galeries sur les quatres cotés, mais qu'un cinquième portique traverse par le milieu, la divisant en deux bassins. De même la découverte récente, sous les fondations du couvent de Notre-Dame de Sion, des dalles mêmes de ce Lithostrotos (Jean,XIX,13), ce tribunal en plein air ou Pilate fit amener Jésus, a localisé avec une précision parfaite, la scène du jugement: on a même put y voir, gravé dans la pierre, le dessin d'une sorte de jeu de l'Oie, le "jeu du Roi" qui a bien put donner aux soldats l'idée cruelle du couronnement d'épines.

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 Une voix crie dans le desert

.Malachie, celui qui termine l'Ancien testament, avait affirmé au nom de Dieu:"Je vais envoyer mon messager et il preparera le chemin devant moi. Alors surgira dans son Temple le maitre de Votre Quete, l'Ange tant désiré....". Ce messager se nommait jean-Yahohanan, prénom fort répandu dans la Judée d'alors et qui signifiait:" Yahweh fut favorable". On le surnommait "Le Baptiste" à cause du rite dont il se faisait le protagoniste. Retiré au desert depuis son adolescense, alors agé d'une trentaine d'année, il commença à enseigner la parole de Dieu. Poussé par l'Esprit, ce qu'il dit, c'est le mot "Pénitence". Il annonce des catastrophes épouvantables; il ne respecte rien, ni usages, ni situations. Meme au tétraque Hérode Antipas, adultère avec sa belle-soeur, il reproche à haute voix son péché. Il avait, nous disent les évangiles, un vêtement en poil de chameau et autour des reins, une ceinture de cuir; et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Le miel, produit d'abeille non domestiques ou suc de certains arbres, abondait dans la vallée du Jourdain; l'ancien testament le mentionne plusieurs fois. Les sauterelles n'étaient pas un mets plus excentrique que ne le sont les grenouilles et les escargots, qu'on déguste en France et qui dégoûte les Anglais. Dès que le bruit de l'étrange prédication se fut répandu dans Jérusalem, les chefs de la nation, les "Princes des Prêtres", comme on disait, envoyèrent-ils une commission officielle d'enquête. Des prêtres et des Lévites en étaient membres. A la première question qu'on lui posa, Jean répondit avec sa franchise coutumière:" Êtes-vous le Messie?--Non, je ne le suis pas." Puisque Malachie avait prédit que le Messie sera précédé d'un Annonciateur, du moins Jean était-il ce héraut, le nouvel Elie promis."Es-tu Elie?-Non". Il avait en lui la puissance, mais il n'était pas l'ancien prophète."Qui es-tu donc?". "Je suis la Voix qui crie dans le désert: aplanissez le chemin du Seigneur. Ainsi la prédit Isaie."(Jean,I, 23) Lorsqu'il criait la nécessité de la pénitence, le besoin d'obtenir" de dignes fruits de repentir", qu'il imposait à ses disciples "force, jeunes et prières"(Luc, V ,33), il était bien dans la tradition prophétique. Il enseignait encore la charité, la justice, la douceur. A ceux qui lui demandaient: "Que faut-il faire?" il répondait: "Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger fasse de même." Aux collecteurs d'impots, il ordonnait:"N'exigez rien au delà de ce qui est légal". Au gens de guerre:"Abstenez-vous de toute violence;ne volz pas; contentez-vous de votre solde". Et les conseils étaient aussi dans la tradition juive. Mais pas une seule fois il n'avait annoncé que ce Messie dont il se disait le héraut dut rétablir Israël dans sa gloire et sa force. Pis encore, il ne reservait même pas son enseignement aux Hébreux de bonne race, aux honnêtes gens qui avaient médité la loi, mais on voyait autour de lui des publicains,des soldats,des païens peut-être. Et puis, il baptisait. Ceux qui voulaient s'engager à suivre désormais la voie qu'il leur désignait devaient entrer dans l'eau, d'abord au gué du Jourdain, puis, plus tard, quand la saison fut devenue chaude, plus haut, dans le pays de Scythopolis, ou il y avait de belles fontaines dites "Sources de la paix". Ce rite, si ancien que les Rabbis discutaient pour savoir si une sorte de baptême, qui marquait l'initiation des "prosélytes" païens aux communautés juives, datait d'avant ou d'après l'exil. Des ablutions de ce genre, on en connaissait maintes qui étaient de règle, selon le Lévitique et les Nombres; à certains jours, surtout pour les fonctionnaires du Temple, le bain rituel, le mikweh se multipliait à l'instar des bénédictions, et, pour la fete de Kippour, de l'Expiation, le grand prêtre devait en prendre dix, plus solennels, au nom du peuple. Les sectes esséniennes avaient un bain quotidien et l'on voit encore, aujourd'hui, sur les bords du Jourdain, des fidèles d'anciens cultes qui pratiquent le vieux rite, chaque jours, dans le fleuve. C'est par immersion que Jean accomplissait le rite, et à partir du XIVe siècle de notre ère, que l'art montrera Jean versant de l'eau sur le front de Jésus avec un vase ou une coquille. Dans l'enseignement de Jean, le baptême était lié à une transformation morale complète; entrer dans l'eau, c'est à dire que l'on veut faire pénitence, que l'on se repent de ses péchés. Il n'était admisnitré qu'une fois, comme une initiation à une vie entièrement nouvelle.

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 Le baptême de Jésus

 Les quatre évangiles s'accordent pour placer au moment du baptême le début du ministère de Jésus. dans la foule qui se presse pour écouter Jean le Baptiste, un homme est caché auquel nul ne fait attention. Pourquoi le distinguerait-on des autres? sa taille, son visage n'ont rien que d'ordinaire. "simple Israelite", comme on dit, il n'est ni Sanhédrite, ni prêtre, ni même Lévite. Il porte selon la loi, une tunique de lin à manches longues et un grand manteau de laine orné de houppettes: ainsi le Deutéronome l'ordonna.Sa tête se coiffe du "couffieh", l'étoffe à pans qu'on voit encore aux gens de Palestine. Un, donc, parmi des milliers. Son nom est la banalité même: Jeshouah. Fort répendu dans la langue hébraique, il dérive du mot sacré dont on désigne Dieu, et qu'on à remis en honneur depuis le retour de l'exil. Il y en a des quantités; Flavius Josèphe en citera une douzaine; des paysans, des chefs, des rebelles, des prêtres. On voit, sans doute, qu'il est menuiser-charpentier; les teinturiers, portaient un chiffon de couleur et les scribes publics une plume. A son language, on le repère Galiléen. Mais il y a certainement beaucoup d'artisan en bois parmi les auditeurs qui entourent le Baptiste, car il s'agit d'un métier répendu, et ce n'est pas le premier pèlerin qui arrive, au prix de quatre ou cinq journée de marche. Pourtant, lorsque Jésus s'approche, ce rite qu'il impose à tous, jean sait qu'il ne convient point à cet homme-là (Matt. III,14,15). Plus tard,sur l'évènement, Jean rendra témoignage. Il s'est exécuté; il a procédé au baptême de Jésus. Et alors, il a vu l'Esprit descendre du ciel en forme de colombe et se poser sur celui qui venait de sortir du fleuve. Il a su ainsi que venait de se réaliser une annonce que Dieu jadis lui avait faite; lui le Baptiseur par l'eau, il a compris que le Baptiseur par l'Esprit-Saint venait d'apparaître. Entré dans l'eau ondulante jusqu'à mi-corps, Jésus médite profondement. Jean officie d'un geste solennel. Des anges s'inclinent, cependant que, image de la Création stupéfaite devant ce prodige, le génie du fleuve, caché dans les flots, esquisse un geste d'étonnement. C'est avec cette pureté, qu'il faut se representer la scène. Cependant, en baptisant Jésus, Jean n'avait pas tout accompli ce dont il était chargé. Le lendemain, rapporte le quatrième évangile, le voyant venir à lui, le prophète s'écria:"Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui ote les péchés du monde!"(I,29). Le seul mot d'agneau éveillait, dans l'esprit de tout juifs, l'image de la victime expiatoire, de l'humble bête qui, depuis l'exil en Égypte et depuis Moise, rachetait Israël par son sang.

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 La route de bethléem

Environ trente ans avant que le Baptiste apparût sur le jourdain, un recensement avait eu lieu en palestine. Rome exigeait dans ses provinces, l'inscription, au registre officiel, du nom, de la profession, de la fortune de tous les habitants. En palestine, le recensement entraînait une complication; on n' était pas inscrit au lieu de sa résidence, mais au pays d'où était originaire la famille dont on descendait. Donc, un édit de César Auguste pour le recensement ayant été publié, chacun partit se faire inscrire en son lieu d'origine. Joseph quitta nazareth, en Galilée, et monta en Judée, à la ville de David qui se nomme Bethléem, car il était de la progéniture de David. Et Marie, son épouse, l'accompagnait; elle était enceinte. C'étaient de pauvres gens, un homme et une femme de la plèbre laborieuse, plus riches de courage que de drachmes. Quand leur enfant naîtra, pour acquitter l'offrande d'obligation au Temple, ils devront se contenter d'une paire de tourterelles; l'achat d'un agneau eût dépassé leur moyens. Joseph, très vieux nom d'Israël, celui que portait les très vieux fils de Jacob était un ouvrier, un charpentier. Son épouse, très certainement beaucoup plus jeune que lui, car l'usage était de marier les filles à peine nubiles, alors que les hommes attendaient leur vingt-cinquième année, parfois d'avantage: une petite juive de quatorze ans. Marie, nom aussi répendu dans la Palestine (la sœur de Moïse le portait) avec le sens "Aimée de Yahweh", soumise à son mari et semblable à ces jeunes mères qu'on rencontre encore aujourd'hui en Terre Sainte, un bébé chevauchant leur épaule ou leur flanc? Joseph et Marie étaient -semble-t-il- l'un et l'autre de la postérité de David. Pour Joseph, Matthieu et Luc, l'affirment expressement; c'est que la chose était d'importance puisqu'il était de notoriété que le Messie serait de la race du grand roi, "rameau sorti du trone de Jessé, rejeton crû de ces racines" comme dit Isaïe. Quand à Marie, son appartenance à la progéniture de David est traditionnelle: saint Paul semble l'affirmer (Rom. I;3) Ils se dirigent donc vers Bethléem: l'écriture attribuait cette ville comme lieu de naissance au grand roi (I samuel, XX,6). La distance est longue, de Nazareth à Bethléem; près de cent cinquante kilomètres et les routes étaient médiocres, car Rome n'avait pas encore eu le temps de refaire selon sa technique. Au pas de l'âne, monture traditionnelle que les plus gueux possédaient encore, il fallait quatre jours pleins. Après tant de rocailles et de solitudes, où seuls des arbustes, quelques touffes d'anémones pourpres et de cyclamens rappellent encore la vie, ont arrivaient à cette petite ville blanche, installée à près de 800 mètres d'altitude, sur les flancs de deux collines jumelles.

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A quelle date naquit Jésus?

Si la naissance de Jésus sert aujourd' hui de point de départ à notre ère, nous le devons à un moine scythe, Denys le Petit, Dyonisius Exigus, qui vivait à Rome au VIe siècle. S'appuyant sur le texte où saint Luc (III, 1, 2) établit le moment de ia prédication du Baptiste en fournissait six coïncidences, Denys raisonna ainsi : Jean a commencé à prêcher en 15 de Tibère; le ministère de Jésus débuta l'an d'après: Or, saint Luc (III, 23) nous apprend que Jésus, " lors de son baptême, était âgé d' environ trente ans ". Un simple calcul, en reculant de trente ans par rapport au 15 de Tibère, lui donna l'an 754 de l'ère romaine (754e année de la fondation légendaire de la ville): c'est ce chiffre qui fut adopté: L'excellent moine, n'ayant aucun moyen de fixer la date de la mort d'Hérode, ni celle du recensement, ,admit que ces deux évènements étaient antérieurs à 754 et s'en tint là. Il faut vraisemblablement admettre que la "quinzième année"de Tibère se situe non par rapport à la mort d'Auguste, mais par rapport à l'assiociation au trone de son héritier. En outre, la formule « environ trente ans » ne donne pas une indication très précise sur l'âge du Christ, surtout si l'on songe que la trentaine étant requise par la coutume juive pour entrer dans la vie publique, l'évangéliste a très bien pu vouloir marquer seulement qu'il avait l'âge légale. Si l'on admet que le baptême eut lieu en janvier 28, Jésus, < âgé d'environ trente ans », était donc né au moins deux ou trois ans avant l'an I de notre ère. Mais sans doute, beaucoup plus. On trouve dans l'Évangile, d'autres renseignements chronologiques. Jésus, selon saint Matthieu (II, 1) naît « aux jours ,du roi Hérode », ce qui confirme saint Luc à propos du Baptiste (I;, 5) et de l'annonce faite à Marie (I, 26), et ce que saint Matthieu lui-même redit d'autre façon à propos de la visite des Mages (II, 3) et de la fuite en Egypté (II, 19, 22 ). Or, nous savons par Josèphe qu'Hérode mourut en l'an 4 avant notre ère; cette date est même contrôlée par une éclipse de lune; dont l'historien juif nous dit qu'elle suivit de peu la mort du potentat, et que l'astronomie place au 12 mars an 4 avant J-C. Comme on sait aussi qu'Hérode passa les derniers mois de son existence aux bains de Callirhoë, puis à Jéricho, et comme les Mages l'ont trouvé à Jérusalem, c'est donc au moins à 5 avant J-C. qu'il faut reporter leur visite et, vraisemblablement à 6 la naissance de Jésus. Une autre donnée chronologique figure dans saint Luc (II, l, 2); elle vise le recensement qui obligea Joseph et Marie à gagner Bethléem. Ce recensement que l'Évangile place " sous le gouvernement de Quirinius, en Syrie " a provoqué de nombreuses discussions. L'histoire connaît parfaitement ce Publius Sulpicius Quirinius, sénateur, ancien consul, ancien combattant d'Afrique, qui fut, en effet, légat impérial en Syrie; c'est le même qui, chargé de surveiller Tibère, alors en exil plus ou moins volontaire à Rhodes, s'entendit si bien avec lui que le futur empereur devint son ami, le même encore dont Tacite narre le procès scandaleux qu'il soutint contre Emilia Lepida, sa femme, qu'il avait répudiée. Malheureusement, aucun auteur profane ne rapporte ce recensement général " de la terre entière ": Cela n'a peut-être rien de surprenant; car Dion Gassius, le seul biographe qui ait écrit d'Auguste une vie détaillée, ne nous est parvenu, pour cette période, que sous la forme de fragments, que Tacite commence ses Annales au règne de Tibère, que Suétone et Josèphe ne sont pas complets. La célèbre inscription d'Auguste à Ancyre (Ankara) mentionne trois recensements ordonnés par lui: l'un en 726 (28 av. J. C), l'autre en 746 (8 av, J. C.), le trosième en 767 (14 après). Ces recensements concernaient-ils tous les habitants de l'Empire ou seulement les citoyens romains? On en discute. Et, s'il s'agit du second recensement, il faut alors poser la question de Quirinius: a-t-il pu procéder au recensement de - 8? Nous savons de lui deux choses sûres : qu'if fut deux fois légat en Syrie (une inscription le prouve au musée du Latran ) et que l'une de ses légations eut lieu à partir du 6 après J.-C: Reste à savoir si l'autre fut antérieure, si, par exemple, on' peut `la placée dans la période qui va de 4 av. J-C. à 1 après J: C, moment où la liste des légats en Syrie, que nous possédons, a une interruption: Mais 4 avant J-C., ce n'est .pas 8; il faut donc admettre un autre recensemenf que celui qui figure sur le marbre d'Ancyre, un recensement que Quirinius aurait ordonné spécialemént pour ses administrés. cela n'a rien d'invraisenblable, car L'administration romaine aimait les choses précises et se faisait violontiers paperassière. Ce recensement serait dit " le premier " par l'évangéliste pour le distingue d'un autre "qui aurait eu lieu dix ans après la mort d'Hérode et dont nous parlent les Actes des Apôtres et Josèphe. On peut dire donc que Jésus ést né entre - 8 et - 4, vraisemblablement en - 6. Cette incertitude n'a d'ailleurs, pour ce qui concerne sa vie, qu'une importance fort minime dès l'instant que l'on admet que le texte de saint Luc, a environ trente ans (III, 23 ) , doit être entendu dans un sens large. Quant au jour même de la naissance, que toute la terre, aujourd'hui, fixe au 25 décembre elle résulte d'une simple tradition. Au IIIe.siècle, Clément d'Alexandrie tenait pour le 19  avril; on proposait aussi !e 29 mai, le 28 mars; en Orient, pendant longtemps, on admit le 6 janvier; c'est seulement vers 350 que notre date traditionnelle parut le mieux établie. Certains ont pensé qu'elle pouvait avoir quelque rapport avec le dieu Mithra, ou du "Soleil invincible", placée en concordance avec le solstice d'hiver, suivant le calandrier Romain. On connaît bien des cas où la lithurgie chrétienne a utilisé, dans ses perspectives, d'anciennes fêtes païennes. Le pape Grégoire le Grand ne conseillait-il pas aux missionnaires qu'ils envoyait chez les Bretons de "baptiser les usages et les lieux vénérés par les idolatres? Nos feux de la saint Jean, notre Toussaint ont des origines analogues. Consacrée par la commémoration de la naissance divine, la date du 25 décembre n'évoquera plus le dieu iranien, le taureau immolé, ni même le soleil reprenant forces sur les puissances de la nuit, mais cette autre astre dont Malachie avait dit:" Sur vous qui craignez mon nom se lèvera le soleil de justice. ( IV,2)

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Présage de douleur et de gloire

Quand l'enfant Jésus eut huit jours, délai de règle, on procédà à sa circoncision, selon la vieille coutume des ancêtres, que, depuis Abraham;Israël tenait pour le gage de son alliance avec Dieu. La circoncision de Jean-Baptiste, avait donné lieu à une cérémonie familiale, au cours de laquelle la gloire de Dieu avait éclaté sur Zacharie, son père. Pour Jésus, fils de voyageurs de passage, on lui donna son nom, celui que l'ange avait désigné, et !a petite opération fut faite, pour obéir à la Loi. Ce n'était pas là qu'une des obligations légales que la naissance d'un fils, et spécialement d'un premier-né, imposaient à des parents. « Tout mâle premier-né me serra consacré > (Exode, XIII; 2, 13), avait ordonne Yahweh; en souvenir de cette grâce qu'il avait accordée, la nuit où, frappant à mort les enfants d'Egypte, il avait épargné ceux d'Israël. On rachetait le garçon par une offrande de cinq sicles (environ quinze francs or) et, bien que le texte saint ne l'exigeât point formelement, l'usage était de le présenter au Seigneur. D'autre part, les préceptes mosaïques imposaïques imposaient aux femmes qui venaient d'accoucher d'aller au Temple accomplir une purification: Pendant quarante jours si elle avait enfanté un fils, quatre-vingts si c'était une fille; elle demeurait impure. Elle devait encore offrir un sacrifice :selon ses moyens, un agneau de l'année ou un couple de tourterelles ou de colombes (Lévitique, XII). Pour remplir ces deux obligations, Marie et Joseph se rendirent donc à Jérusalem, et ce fut l'occasion d'un autre signe d'une importance singulière. Un vieillard de la ville, homme juste et craignant Dieu, averti par l'Esprit-saint, vint au temple au moment où l'humble couple, y apportait son enfant. Il se nommait Siméon; Dieu lui avait promis qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu; de ses yeux de chair, le Messie que son âme espérait. Dans le nourrisson de Marie, la connaissance prophétique Lui désigne l'oint du Seigneur et, le saisissant dans ses bras, il laisse jaillir sa joie en un cantique, ce Nunc dimittis que la liturgie catholique répète à l'heure du sommeil et de la mort: « Maintenant, Seigneur, laissez partir votre serviteur en paix selon la parole, puisque mes yeux ont vu Votre Salut; ce que vous avez préparé à la face des nations, la Lumière qui dissipera les ténèbres des peuples , la gloire des enfants d'lsraël > (Luc, II, 29; 33). Mais il avait a peine achevé de remercier Dieu que l'esprit de prophétie lui souffla d'autres mots. Il dit, s'adressant à Marie : « Cet enfant vient au monde pour la chute et la résurrection d'un grand nombre en Israël : il sera un signe de contradiction. Vous-même, un glaive percera votre âme. Ce qui se cache au fond des coeurs ainsi sera révélé. > (luc, II, 34, 35 ) . Singulières paroles pour cette mère qu'emplissait la joie de la naissance et qui portait en elle la certitude des promesses d'En-Haut! Et, comme pour confirmer.les dires de Siméon; voici qu'une vieille femme, elle aussi douée de l'esprit de prophétie, Anne, fille de Phanuel, survient et à son tour reconnaît dans l'enfant le signe de la rédemption. Les deux évangiles de l'enfance de Jésus ici se complètent de manière surprenante. Seul, saint Luc nous rapporte la scène de la Présentation au Temple et, dans les paroles de Siméon, le présage du Christ douloureux. Seul, saint Matthieu fait état d'un autre épisode où éclate au contraire la gloire du Très-Haut, le Roi des Cïeux.< Des mages arrivèrent d'Orient à Jérusalem. - Où est, disaient-ils, le roi des Juifs, qui vient de naître? Car nous avoirs vu son étoile en Orient et nous sommes venus l'adorer. » Ayant alors appris que, selon l'Ecriture, Bethléem devait être le lieu de naissance de ce prédestiné, ils s e mirent en route vers elle. « Et voici; que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient, allait devant eux; jusqu'à ce que, au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant, elle s'arrêtât.` » Marie et Joseph, revenus de Jérusalem, habitaient alors non plus la grotte, mais une maison de la bourgade. « Les Mages trouvèrent l'Enfant avec Marie, sa mère et se prosternant, ils l'adorèrent puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent de l'or, de l'encens et de la myrrhe » (Matt: II, 1, 12) La scène pittoresque où les trois fastueux voyageurs d'Orient viennent s'incliner devant le berceau d'un pauvre nourrisson est une de celles qui, de tout l'évangile de la Nativité, ont le plus frappé les imaginations. Son sens symbolique a été bien souvent mis én évidence par les mystiques: les puissances de la terre reconnaissent, prosternées, l'autorité suprêmé de l'Enfant-Dieu; et les trois offrandes des Mages ont valeur de signes : l'or comme à un roi, l'encens comme à un Dieu, la myrrhe comme à un homme promis à la mort. Beaucoup des détails que l'art a retenus ne doivent rien à l'évangile selon saint Matthieu, mais procèdent non pas même des apocryphes, qui, sur ce point, se sont montrés particulièrement discrets, mais de sources inconnues, d'origine orientale. La légende qui s'est formée autour des Mages a proliféré au long des siècles au point de créer, par exemple en Provence, une véritable tradition folklorique. Les Mages sont les descendants du grand devin Balaam. Les pièces d'or qu'ils ont apportées à Jésus, c'est Terah, le père d'Abraham, qui les avait frappées et elles avaient été données aux gens du pays de Saba par Joseph, fils de Jacob, lorsqu'il alla , chez eux acheter des parfums pour embaumer le corps de son père. On fixe le nombre des visiteurs à trois, soit pour leur faire incarner les trois âges de la vie, soit comme représentant l'un la race sémite, le second, tout le reste des Blancs et le dernier, les Nègres. On leur donna des noms : Gaspard, Melchior, Balthazar; écrits sur un ruban que l'on porte au poignet, ces noms préservent de, lépilepsie. Partout dans toute la chrétienté, ces thèmes légendaires se retrouvent, comme aux bas-reliefs de la cathédrale d'Amiens, à Saint-Trophime d'Arles, sur des vitraux de Lyon, du Mans; au tympan nord de Chartres, on les voit couchés sous une même couverture, sans doute selon un détail de la fable que nous ignorons. Qui étaient ces Mages venus de l'Orient? Depuis les débuts du III° siècle où il semble que Tertullien ait établi cette tradition, on les appelle souvent < Rois Mages », sans doute parce que le Psaume LXXI dit : < Les rois de Tarsis et ceux des îles paieront tribut; les rois d'Arabie et de Saba offriront des Présents ». Originellement, les Mages étaient les prêtres de la religion mazdéenne, telle que la pratiquaient les anciens Mèdes et Perses . Constitués en caste très fermée - en une véritable tribu, selon Hérodote ils passaient pour mener une vie austère, entretenant le feu des Hauts Lieux, étudiant le cours des astres et les songes. IIs étaient fort puissants; c'était, un Mage qui avait essayé de prendre le pouvoir impérial en Perse, pendant que Cambyse guerroyait en Egypte, en affirmant qu'il était Smerdis, le frere de l'empereur ressuscité: Mais rien ne semble prouver qu'à l'époque de la naissance du Christ, c'est à-dire sous la domination des Parthes, les Mages aient eu encore un rôle de premier plan: Le mot semble plutôt désigner alors des hommes de toutes sortes qui s'appliquaient à l'étude des astres, astronomes et astrologues tout ensemble, parmi lesquels il y avait du bon et du mauvais, des gens sérieux et des charlatans. Les Mages de l'Écriture appartenaient, de toute évidence, à ce qu'il y avait de mieux.

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